lundi 29 juin 2009

5- LES LIGNES D’ACTIVITES POUR L’ENGAGEMENT DES JEUNES

PAUL G. MAGLOIRE – PROSPECTIVES
Construisons Ensemble un État DÉmocratique, Moderne et ProspÈre

5-Les lignes d’activités pour l’engagement des jeunes

Haiti est un beau pays, mais il est mal dirigé. Cela explique en grande partie la misère, mais aussi pourquoi notre histoire est marquée par tant de soulèvement du peuple qui est très souvent en révolte contre ceux qui le gouvernent. Nous sommes très connus pour notre instabilité politique.
Mais, est-ce que nous sommes sur le point de mettre fin à cette tradition de brigandage continuel ? Ou bien marchons-nous rapidement vers le pire, la faillite totale? Sinon, comment s’expliqué qu’il n’y a pas une politique qui viserait à engager les jeunes, la majorité de la population, dans le développement du pays.
Je dois répéter qu’aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir une population jeune qui veut avancer. Plus de 60% de cette population est en dessous de 25 ans. Sur ces 10 dernières années, 50 mille d’entre eux, en moyenne, se présentent tous les ans aux examens de fin d’études secondaires. Il est certain que si nous les mobilisons dans la construction de trois nouvelles capitales, ils les bâtiraient. Ils auront une raison d’exister. N’oublier pas quand on est jeune on veut changer le monde. Nous devons leur donner la chance de prouver que nous ne sommes pas une race dégénérée. Nous pouvons le faire. Ils seront les bâtisseurs des entreprises de toutes sortes qui créeront du travail et de la richesse dans le pays. Nous ne pouvons pas les abandonner. Il faut faire quelque chose.
Quand la confusion a remplacé la volonté de résultats ?
L’un des acquis apporté par le gouvernement intérimaire, a été que le budget d’État soit prêt en octobre, malgré l’absence d’un parlement à l’époque. Aujourd’hui, le budget est reconduit d’année en année, comme pour dire tout simplement que de toute façon plus les années changent, plus ce sera la même chose ou même pire ? Les parlementaires avaient reçu, en fait, la promesse que ce budget serait décentralisé. Quand est-il de cette promesse ?
Pour avoir eu le privilège de côtoyer le Ministre des Finances, M. Daniel Dorsainvil, je sais qu’il fait bien la différence entre la Décentralisation et la Déconcentration. Donc, il a été une surprise de l’entendre dire que l’appareil d’État est déjà décentralisé, car des services du gouvernement existent à travers le pays.
Malgré son retard au rendez-vous, le budget a oublié d’établir des objectifs clairs par secteurs. Il pouvait le faire de trois façons : soit en utilisant des statistiques en terme de besoins, ou établir des taux de rendement par unité de fonds investis, ou encore utiliser un mixte des deux systèmes.
Par exemple, des statistiques existent sur le nombre d’enfants en âge de scolarisation. Donc, dans la première approche, nous pouvons, par rapport à un objectif sur le long terme qui prévoit que tous les enfants du pays bénéficieront du droit d’être scolarisé, comme prévu par la Constitution, déterminer le nombre d’enfants qui sera scolarisé par ce budget.
Dans la seconde approche, nous pouvons déterminer la performance à atteindre dans chaque secteur. Par exemple, cela pourrait être un rendement de 30% ou 30 centimes sur chaque dollar investi dans les infrastructures ; 20 centimes dans le tourisme ; et 10 centimes dans les secteurs tels qu’agriculture et éducation, dans le cas où ces secteurs représenteraient nos grandes priorités.
La troisième approche porterait les planificateurs à choisir, par exemple, la quantité de riz, de pois, de bananes, de têtes de bétail qui seront produits par rapport au fonds alloués au secteur agricole. Au même moment, on pourrait avoir des objectifs par taux de rendement moyen sur chaque dollar investi dans chaque secteur.
Donc, nous aurons une planification par objectifs et le suivi des opérations dans tous les secteurs sera mathématiquement comparable, malgré qu’il faut reconnaitre que la notion de rendement financier ne doit pas être le seul critère pour les choix d’investissement. Car, l’État n’est pas une entreprise, dans le sens strict du terme. Cependant, nous devons savoir dans quel but nous investissons nos fonds qui sont très limités.
Les Jeunes comme fer de lance de la Décentralisation
La Première Ministre a cherché à donner de l’espoir en disant qu’elle envisagerait de transférer aux collectivités territoriales 20% des fonds du budget de développement, à partir de l’année fiscale 2010-2011. Malgré que ce taux concorde au niveau que j’ai toujours pensé approprier aux besoins, je crois pourtant que c’est une promesse à faire dormir debout. Car, il parait assez clair que le gouvernement n’a presqu’aucun contrôle sur les fonds que le pays reçoit des bailleurs de fonds, si l’on veut prendre à témoin les déclarations du ministre de l’Agriculture. Ensuite, il faudrait se demander comment l’orientation de ces fonds pourrait changer si nous ne voyons pas dès maintenant, aucun effort pour articuler une nouvelle ligne directrice ? D’ailleurs, compte tenu de la crise financière internationale, il faut s’attendre à ce que vraiment très peu de ces fonds promis soient décaissés. Par exemple, durant la campagne américaine, le Vice-président Biden, pour répondre aux questions des journalistes qui voulaient savoir quels seront les programmes que le gouvernement serait obligé de réduire, a répondu qu’il ne voyait rien d’autre en dehors de l’aide étrangère. Ce qui est tout à fait logique. Et un pays comme le nôtre qui ne représente pas beaucoup sur le plan géopolitique, pourrait être dans la liste pour une réduction de l’aide. Le President Obama, a lui-même annoncé que la nature de cette aide devrait changer. Disons, en mettant moins l’accent sur le volet humanitaire, pour supporter l’investissement. Devons-nous attendre l’année prochaine qui est très hypothétique pour commencer le changement ? Ne faudrait-il pas commencer dès maintenant avec ce budget et avec les fonds du trésor public.
Le Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales (FGDCT), représente un premier effort qui a été entrepris pour fournir aux Collectivités un minimum de moyens pour financer leurs activités. Mais, ces ressources pourraient être plus opérationnelles si elles étaient utilisées exclusivement pour financer l’éducation et offrir aux enfants des communes et des sections communales la formation scolaire de base exigée par la Constitution. Cela ferait une grande différence de suivre cette politique par objectif par rapport à la politique de saupoudrage et de népotisme qui est actuellement en application. L’un des aspects fondamentaux, de telles mesures, seraient d’éviter que 50% des enfants en âge de scolarisation aujourd’hui deviennent demain des adultes analphabètes. Donc, il n’est pas trop tard pour commencer à traiter les enfants du pays avec justice.
Ensuite, la meilleure façon d’améliorer la qualité de la vie dans la capitale serait de lancer un Processus de Déconcentration et d’entamer des mesures d’aménagement et de modernisation. Car, Port-au-Prince est victime de son obésité. Par exemple, est-ce qu’on espère pouvoir maintenir la ville propre quand ses structures urbaines étaient prévues pour 350,000 personnes et sa démographie aujourd’hui dépasse les 2 millions?
Ma position, en 1986, sur le sujet n’a pas changé. J’écrivais alors que « Le cas de Port-au-Prince sera assez spécial, vu que la capitale a déjà atteint un seuil de concentration démographique pour lequel elle n’était pas construite. L’approche qui sera adoptée dans ce cas sera d’intégrer les zones marginales dans des armatures suburbaines reliées à l’armature centrale. De nouveaux axes routiers joueront un rôle important dans ce réaménagement. Par exemple, pour la zone de Carrefour, une autoroute à grande circulation sera construite. Elle partira du haut de la Troisième Avenue de Bolosse pour atteindre Gressier. La voie ordinaire en usage actuellement deviendra une route à circulation restrictive pour les matériels roulants lourds. Une autre voie sera construite parallèlement à celle-ci sur le littoral et sera réservée aux piétons et aux cyclistes. Le projet de construction d’une autoroute partant de la zone de l’aéroport pour atteindre Pétion-Ville, en passant par la zone des Frères, se réalisera dans cette même perspective. Ensuite, le centre ville sera reconditionné dans le sens d’une revitalisation ».
Le texte complet est disponible en ligne. Je vous invite à cliquer sur le lien suivant :
RESTRUCTURATION DE LA COMMUNAUTE RURALE ET URBAINE

Le projet de budget, présenté par le gouvernement pour couvrir l’année fiscale 2008-2009, a trop de priorités pour aboutir à des résultats visibles et significatifs. J’ai suggéré que le nombre de priorités se réduise à quatre et que les infrastructures soient l’une d’elles. Les infrastructures, au sens large, doivent inclure les routes, les aéroports et ports, la télécommunication, la production et la distribution d’électricité, l’adduction d’eau potable et les grands travaux d’irrigation. Cette ligne de priorité doit être réalisée dans le cadre d’une Politique de Déconcentration créant 3 régions dont le Grand Nord, le Grand Sud et le Grand Centre ; et devrait être aussi supportée par une politique visant la Décentralisation et l’Aménagement Urbain et Rural et la Construction de Logement et de Bâtiments Publics à travers le pays.

Un Programme de Déconcentration/Décentralisation n’est pas très difficile à lancer. Un mois après mon arrivée au Ministère de l’Intérieur et des Collectivités, j’ai pu initier un tel programme avec l’appui de techniciens haïtiens très compétents en la matière. Dans un laps de temps assez court, j’ai pu mettre en pratique ce que j’avais toujours prêché. C’est pourquoi, par exemple, nous avons aujourd’hui, dans le Nord du pays, la route reliant Cap-Haitien à Ouanaminthe pour ne citer que cela. En dehors des projets routiers que nous avons lancés de concert avec le Ministère des Travaux Publics, nous avons travaillé avec les différentes instances concernées sur les questions liées à la déconcentration de la capitale en regard de l’établissement d’un minimum d’équipement dans tous les départements géographiques dans le domaine du service d’électricité, des ports et aéroports, de l’eau potable, des immeubles publics et de la télécommunication, tel qu’un service internet municipal à bon marché pour les jeunes.

Malheureusement, ces programmes ont été suspendu sans raison valable, malgré certains étaient déjà à une phase avancée et aurait déjà créé des milliers d’emplois dans un pays qui s’écroule sous le poids du chômage. Il y a toujours ceux qui oublient que le pays ne peut progresser sans un certain sens de la continuité dans l’État quelque soit la personne en charge.
Je ne connais pas une autre raison pour expliquer qu’on n’a pas un système de service internet public à bon marché opérant aujourd’hui dans 140 mairies du pays, sinon la volonté de certains responsables du gouvernement de bloquer ou tout bonnement détruire, tout ce qui a été réalisé avant eux pour recommencer à zéro, sans respect pour les rares ressources que l’État a à sa disposition. En effet, le Ministère de l’Intérieur avait déjà installé et testé, durant mon passage, les antennes paraboliques et les équipements pour le service internet et $700,000 du trésor public avaient été engagés dans ce programme. Le déploiement d’un réseau télématique, avec des antennes parabolique installées dans les différentes communes du pays, offrait à ces communes la capacité de communication par satellite. Si ce réseau était rendu opérationnel et le personnel des délégations, des mairies et des sections communales entrainés à utiliser cette technologie, un grand bond en avant aurait été réalisé. Ce système permettrait aux différents secteurs, publics et privés, d’échanger des informations en temps réel. Les rapports, d’un point à l’autre du pays se réaliseraient de façon électronique et les autorités du gouvernement central auraient eu une grande visibilité sur l’état d’avancement des projets à travers le pays et se serviraient de ce système pour augmenter leur efficience, prévenir la corruption et moderniser la qualité des services de l’état à la population et l’amélioration de la qualité de la vie dans le pays.
Avec ce réseau internet, les jeunes seraient devenus le fer de lance de la décentralisation et du développement du pays. Ils n’auraient pas à dépendre des circuits traditionnels pour offrir leur service, basé sur le savoir, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, sur tous les marchés du monde à des prix très compétitifs. Le nom commercial de ce réseau devrait-être PamNet, car il aurait appartenu au pays, aux communes et aux jeunes. PamNet avait, à lui seul, la possibilité de développer des milliers d’emplois en créant des centres d’appels pour le service à la clientèle pour les entreprises locales, mais sous contrat également avec des compagnies américaines, canadiennes et européennes. Les jeunes seraient entrainés dans la vente à distance pour vendre, à travers le réseau, les marchandises qui sont produites par les membres de leur communauté afin de générer des revenus et augmenter leur chiffre d’affaires. Les estimations préliminaires prévoyaient que des milliers d’emplois pourraient être créés dans ce réseau.
Est-ce que le forum de discussion que le Président Préval a créé sur la technologie a, au moins, la mission d’évaluer pourquoi ce projet a été envoyé aux oubliettes et chercher à savoir où sont passés les équipements ?

Pour avoir accès au profil de ce programme en ligne, cliquer sur le lien suivant :
AU NOM DE LA CONTINUITÉ DE L’ÉTAT

La construction de routes, ou le développement du maillage routier, pour utiliser la description chère au Président Préval, ne peut se faire et réussir dans un espace vide de toute autre action. Ainsi, pour avoir du succès, la question de l’équipement du pays des infrastructures de base doit être adressée dans leur globalité dans le cadre d’une politique de Déconcentration de la capitale et d’une Décentralisation basée sur un développement régional.

Dès la fin des années 90, les théories sur l’aménagement territorial avaient évolué pour donner un rôle important aux régions et aux pôles d’attractions dans le développement économique. J’avais anticipé que notre système de décentralisation bénéficierait d’intégrer le système des points focaux régionaux. Après certaines discussions sur le sujet avec les membres de mon équipe de l’Unité de Support à la Déconcentration, les villes du Cap-Haitien, des Cayes et de Hinche ont été considérées pour devenir les points focaux du système de déconcentration lancé par le Ministère de l’Intérieur, sous ma tutelle. L’un des premiers avantages des points focaux sur le plan régional était de regagner les fonctions d’optimalisation qu’offre la concentration. En effet, un spécialiste en urbanisme vous dira que tout n’est pas mauvais dans la concentration. Une de ces qualités, c’est qu’il permet d’atteindre l’efficience optimale.

Ce jargon technique veut dire que dans un système concentré, les ressources peuvent être utilisées pour produire les meilleurs résultats. Par exemple, la grande concentration de la capitale devrait permettre que la distribution de certains services publics coute moins chère. Ce devrait être le cas pour les services d’électricité, d’eau potable et de téléphone, pour citer ces trois. Mais, les contraintes dans les domaines de l’électricité et de l’eau potable dans le pays vont à l’encontre de cette théorie et c’est la rentrée de la technologie du cellulaire sur le marché qui a amélioré le service de la communication téléphonique. Et la concentration démographique n’a pas été le facteur le plus important dans la pénétration rapide du service cellulaire. La technologie du cellulaire, dans un certain sens, va même dans le sens de la déconcentration et requiert un minimum d’équipement et des activités économiques dans les villes périphériques.

La décentralisation, en facilitant l’installation des entreprises et d’autres activités économiques en dehors de la capitale, va également élargir le marché du cellulaire et des autres services de communication aux municipalités de la province. Durant ce processus, le gouvernement devrait profiter pour adopter des mesures susceptibles de créer une nouvelle génération de cadre dans le service public sur une base incitative, afin d’assurer que les municipalités aient suffisamment de compétence pour prendre charge avec efficience de leur nouvelle responsabilité et du même coup continuer à ouvrir de nouvelles opportunités où les jeunes pourraient faire carrière.

Merci

Paul G. Magloire
28 Janvier 2009